IG Metall se prépare à trahir les travailleurs de l’industrie métallurgique et électrique

Malgré une posture militante, le syndicat IG Metall est sur le point de trahir la lutte salariale de près de quatre millions de travailleurs des industries métallurgique et électrique. L’exécutif fédéral du syndicat a décidé lundi soir dernier «d’ouvrir la voie à une tentative d’unification [avec le patronat] dans le district du Bade-Wurtemberg», dans le sud-ouest de l’Allemagne. Jeudi, un cinquième cycle de négociations pour le sud-ouest commence à Ludwigsburg près de Stuttgart, l’accord qui en résulte doit ensuite être adopté comme accord pilote par tous les autres districts de négociation collective.

Grève d’avertissement chez Mercedes Benz à Stuttgart-Untertürkheim (16 novembre 2022) [Photo: www.graffiti-foto.de] [Photo by www.graffiti-foto.de]

Au cours des deux dernières semaines et demie, près de 700.000 métallurgistes dans tout le pays ont pris part à des grèves d’avertissement pour appuyer la revendication d’une forte augmentation en pourcentage des salaires lors des négociations collectives. Mais bien que les travailleurs aient fait preuve d’une énorme détermination à se battre, IG Metall a tranquillement convenu à un accord au rabais en coulisses. Les déclarations faites de part et d’autre montrent clairement que les dirigeants des syndicats et des associations patronales ont depuis longtemps convenu à une réduction massive des salaires réels.

Les employeurs ont été sondés ces derniers jours et le cadre initial d’un accord a été créé, a déclaré le dirigeant d’IG Metall, Jörg Hofmann, à l’agence de presse dpa. Grâce à des pourparlers exploratoires, ils s’étaient déjà rapprochés sur de nombreuses questions spécifiques, a-t-il ajouté. L’association patronale Südwestmetall s’est dite intéressée par une solution «constructive» et prête à parvenir à un accord jeudi.

Les contours de l’accord se dessinent déjà.

Le principal point de discorde des quatre cycles de négociations précédents, qui se sont déroulés en parallèle dans plusieurs districts de négociation collective, était l’augmentation du salaire horaire de base. Celui-ci n’a pas augmenté depuis avril 2018, date à laquelle il avait augmenté de 4,3 pour cent. Depuis lors, IG Metall s’était contenté d’accepter divers paiements ponctuels qui n’avaient aucun impact à long terme sur la grille de salaires.

Pour compenser les augmentations de prix depuis la dernière augmentation salariale il y a quatre ans et demi, une augmentation d’au moins 15 pour cent serait nécessaire. Rien qu’au cours des 12 derniers mois, les prix ont officiellement augmenté de 10,4 pour cent, et de plus de 20 pour cent pour l’alimentation et l’énergie, qui impactent lourdement les ménages de la classe ouvrière. Cependant, une hausse des salaires de 15 pour cent serait loin d’être suffisante étant donné que l’inflation de l’année prochaine devrait également être à deux chiffres.

Dans ces circonstances, IG Metall subissait une énorme pression d’en bas. Il ne pouvait éviter d’exiger une augmentation des salaires horaires de base. Il a plaidé pour une augmentation de 8 pour cent sur une période contractuelle de 12 mois, ce qui serait clairement loin de compenser les pertes de salaires réels dues à la hausse des prix. Le syndicat a inscrit la revendication en grosses lettres sur ses banderoles de rassemblement et a annoncé haut et fort qu’il ne lâcherait pas sa demande d’une «augmentation permanente des salaires en pourcentage».

Les employeurs ont d’abord réclamé par provocation un gel des salaires et ont finalement proposé une «prime d’inflation» de 3000 € pour une durée de 30 mois, soit 100 € supplémentaires par mois, ce qui n’aurait cependant pas d’impact sur les grilles de salaires de base. De connivence avec les syndicats, le gouvernement fédéral a rendu ces primes d’inflation exemptes d’impôts et de cotisations afin d’encourager des accords sur de bas salaires.

Un accord calqué sur l’industrie chimique

Ce qui est en train d’émerger, c’est un accord comme celui de l’industrie chimique, où, en octobre, le syndicat IG BCE a convenu d’une prime d’inflation de 3000 €, à payer en deux versements, et de deux augmentations de salaire de 3,25 pour cent chacune, sur une durée de 27 mois. À l’expiration de l’accord salarial, les salaires réels des travailleurs de la chimie auront chuté d’environ 15 pour cent.

IG Metall a déjà indiqué qu’il visait quelque chose de similaire. Hoffman, le chef du syndicat continue de soutenir que des augmentations permanentes et substantielles des taux horaires salariales sont essentielles. Cependant, selon le quotidien financier Handelsblatt, il s’attendait également «à ce que la somme de 3000 €, exempte d’impôts et de déductions grâce au gouvernement, soit versée aux salariés en plusieurs fois».

Südwestmetall, de son côté, a annoncé que le «gros point d’achoppement» était la durée de l’accord. Si IG Metall acceptait une durée de 30 mois, a-t-elle déclaré, elle serait également disposée à parler d’une augmentation de salaire concernant les taux horaires de base.

Nul besoin d’être mathématicien pour voir ce que tout cela représente: une prime d’inflation, une augmentation symbolique des salaires avec un accord valable pour au moins deux ans, plus de nombreuses clauses d’exemption pour les entreprises en difficulté financière. À l’expiration de l’accord, les quatre millions d’employés des industries métallurgique et électrique gagneront 25 pour cent de moins, mesurés en termes de pouvoir d’achat, qu’en 2018, la dernière fois qu’IG Metall a accepté une augmentation des salaires de base.

IG Metall n’a jamais eu la moindre intention de se battre pour sa revendication salariale de 8 pour cent, totalement inadéquate. Bien que les négociations contractuelles traînent en longueur depuis deux mois, il n’a pas tenu une consultation de grève et n’a appelé qu’à de brefs débrayages d’avertissement, dont la plupart ont eu lieu pendant les pauses de travail ou au début ou à la fin d’un quart de travail. Il s’est même abstenu de grèves d’avertissement de 24 heures afin de ne pas impacter le flux de profits des entreprises.

Dans le même temps, il craint que des grèves plus larges ne radicalisent davantage la main-d’œuvre. Cependant, la méfiance des travailleurs envers IG Metall est élevée. Les travailleurs ont déclaré au WSWS qu’«en réalité, il faut 18 % de salaire en plus» simplement pour maintenir le niveau de vie. De nombreux travailleurs appellent à une grève illimitée pour réaliser leurs revendications.

Sur son site Internet, le syndicat brandit désormais la menace: «S’il n’y a pas de solution à nouveau à la table des négociations lors du cinquième tour de pourparlers, des grèves d’avertissement de 24 heures ou même des scrutins de grève sont également possibles». Mais c’est la fanfaronnade habituelle avant la trahison. Même si IG Metall a dû initialement aller plus loin qu’il ne le souhaitait, il fera désormais tout son possible pour empêcher une grève totale, ou l’annuler au plus vite.

Des bénéfices records

Pendant ce temps, les industries métallurgiques et électriques roulent sur l’or. La plupart des entreprises ont des carnets de commandes bien remplis et augmentent leurs bénéfices malgré la pandémie et la crise énergétique. Mercedes, par exemple, qui a déjà enregistré des bénéfices records l’an dernier, s’attend à une rentabilité sur les ventes ajustée de 13 à 15 pour cent en 2022. Porsche a réalisé un bénéfice d’exploitation de 3,5 milliards d’euros sur des ventes de 18 milliards d’euros au premier semestre 2022.

De nombreuses entreprises fournisseurs rencontrent des problèmes du fait qu’elles sont impitoyablement exploitées par les grandes entreprises automobiles ou perdent leurs clients à cause du passage aux véhicules électriques. Cela sert maintenant de justification aux réductions de salaires réels les plus importantes depuis la Grande Dépression des années 1930.

«Dans l’ensemble, les industries métallurgiques et électriques bourdonnent, mais toutes les entreprises ne se portent pas bien», écrit IG Metall, justifiant ainsi sa revendication salariale totalement inadéquate. «Les membres du comité de négociation des entreprises qui se portent bien le reconnaissent également. C’est pourquoi la commission de négociation s’est finalement mise d’accord sur une revendication commune et solidaire que même les usines les moins performantes peuvent accepter: 8 %».

Quel argument pitoyable! Des coupes salariales par «solidarité» avec les usines peu performantes. Suivant cette logique, la journée de 12 heures et le travail des enfants existeraient encore aujourd’hui.

IG Metall ne représente pas les intérêts des travailleurs, mais ceux des entreprises. Ses fonctionnaires siègent aux conseils de surveillance des entreprises et décident des stratégies d’entreprise et des plans de rationalisation, tandis que leurs représentants au comité d’entreprise veillent à ce qu’il n’y ait pas de résistance dans les usines.

Les hauts bureaucrates d’IG Metall travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement et les associations patronales dans le cadre de «l’Action concertée», où ils élaborent des plans conjoints pour accroître la compétitivité de l’industrie allemande, notamment en réduisant les coûts salariaux. L’idée d’exonérer les paiements uniques jusqu’à 3000 € des charges et des impôts est née dans l’Action concertée.

Ce mois-ci, une autre alliance pro-patronale appelée «L’avenir de l’industrie» a présenté «des propositions globales pour sauvegarder la création de valeur industrielle en Allemagne», selon un communiqué de presse conjoint de la Fédération des industries allemandes et d’IG Metall.

«Nous devons utiliser les crises actuelles comme une opportunité pour la transformation de manière encore plus décisive et ainsi garantir la création de valeur industrielle et donc aussi de bons emplois à long terme», explique Jörg Hofmann, directeur d’IG Metall, l’un des principaux membres de l’alliance. «Il s’agit de fixer le bon cap maintenant et d’investir dans les technologies et les marchés du futur.»

IG Metall Baden-Württemberg et Südwestmetall, qui négocient actuellement l’accord pilote, entretiennent une relation particulièrement intime. Au printemps, ils ont publié une déclaration commune soutenant les sanctions contre la Russie et la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine, et ont soutenu le «fonds spécial» de 100 milliards d’armes pour la Bundeswehr (forces armées). «Ces mesures exigeront des sacrifices de nous tous», indique le communiqué.

IG Metall dispose d’une caisse de grève de 1,1 milliard d’euros

IG Metall n’est pas seulement politiquement, mais aussi matériellement dans le camp de l’ennemi de classe. Il est assis sur une énorme réserve financière, qui assure à ses fonctionnaires un revenu juteux – encore gonflé par ce qu’ils peuvent empocher dans de nombreux conseils de surveillance et autres postes.

Comme l’a rapporté le programme d’information télévisé du Tagesschau audébut du mois, l’IG Metall possède «au moins 1,1 milliard d’euros» dans sa caisse de grève. La somme exacte n’est pas connue car le syndicat la garde secrète. Des réserves documentées depuis 2000 s’élèvent à 1,6 milliard d’euros.

IG Metall n’a pratiquement rien dépensé en financement de grèves. La grève la plus chère depuis 2000 ne lui avait coûté que 27 millions d’euros il y a quatre ans. En 2012, il a versé au total 332 € de soutien à la grève! En revanche, il a dépensé 656 millions d’euros par an (valeur 2020) pour couvrir le budget général du syndicat – sur les salaires de ses fonctionnaires et diverses activités syndicales.

IG Metall a investi une part considérable de ses actifs dans l’immobilier et les actions, avec lesquels il vise un objectif de rendement de 5 pour cent, c’est-à-dire qu’il a un intérêt direct à ce que les cours boursiers soient élevés, qui sont compromis par des revendications salariales élevées.

La défense des salaires réels, des emplois et des autres acquis sociaux n’est possible que dans une rébellion contre cette bureaucratie, qui a les deux pieds dans le camp ennemi. Le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste) appelle donc à la constitution de comités d’action de la base indépendants pour aller de l’avant dans cette lutte.

Aux États-Unis, avec le soutien du World Socialist Web Site, le travailleur de l’automobile Will Lehman, un socialiste, se présente à la présidence du syndicat des United Auto Workers (UAW), l’organisation sœur d’IG Metall, pour lutter pour enlever le pouvoir des mains de la bureaucratie et de le rendre à la base. Il préconise l’abolition de l’appareil bureaucratique de l’UAW et la mise en place du pouvoir des travailleurs par la création de comités de la base, et a obtenu une vague de soutien dans de nombreux lieux de travail.

La première tâche des comités d’action est d’organiser la résistance à la trahison par IG Metall du cycle de négociations contractuelles en cours. Les travailleurs doivent retirer le mandat de négociation aux bureaucrates syndicaux et préparer de véritables mesures de luttes. Pour ce faire, ils doivent établir un réseau entre les usines en Allemagne et à l’étranger.

Le Comité international de la Quatrième Internationale a créé l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) pour fournir de l’aide aux comités d’action et les coordonner au niveau international. Veuillez nous contacterpour nous aider dans cette lutte ou si vous souhaitez des informations supplémentaires.

(Article paru en anglais le 18 novembre 2022)