La police française intensifie la répression des manifestations contre la baisse des retraites imposée par Macron

Les grandes villes françaises connaissent une vague de manifestations depuis que le président français Macron a annoncé jeudi dernier qu’il aurait recours à l’ anti-démocratique Article  49.3 pour imposer sa réforme des retraites détestée. Une vague de grèves déferle sur les principales industries françaises, touchant notamment les raffineries, les aéroports, les installations de traitement des déchets et les chemins de fer.

Macron a fait passer son projet de réforme en force, craignant l’impact d’un vote négatif sur les marchés financiers européens. La bourgeoisie française considère cette réforme comme essentielle, car elle permettra de financer un réarmement massif de 413  milliards d’euros de l’armée française avant 2030 et des livraisons d’armes pour la guerre en Ukraine, sans augmenter les impôts des couches les plus argentées de la société.

Cette lutte explosive contre Macron, l’État capitaliste et la guerre intervient alors que les travailleurs du Sri Lanka, de Grèce et du Royaume-Uni sont engagés eux aussi dans des grèves massives contre les bas salaires et les conséquences de décennies d’austérité.

Vendredi et samedi, des dizaines de milliers de personnes ont continué à manifester dans toute la France. Des manifestations ont eu lieu les deux nuits à Rennes, Nantes, Bordeaux, Lyon, Nice et Marseille. Une manifestation prévue au Capitole de Toulouse vendredi a été annulée, la police ayant bloqué tous les accès à la place.

À Paris, vendredi et samedi soir, des milliers de manifestants se sont rassemblés place de la Concorde et place d’Italie. Vendredi matin, des étudiants se sont rassemblés sur le campus de Tolbiac pour défendre les éboueurs en grève d’Ivry-Sur-Seine. Les manifestations pour exiger la libération des manifestants détenus se sont poursuivies dans la capitale tout au long du week-end.

Des manifestants se rassemblent sur la place d'Italie samedi soir:

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La violente répression policière de vendredi et samedi soir a confirmé les avertissements du PES. La classe dirigeante française a passé la dernière décennie à construire un État policier et à normaliser la violence d’État afin de réprimer violemment toute opposition indépendante au régime capitaliste. Jusqu’à présent, au moins 600  personnes ont été arrêtées lors des manifestations de jeudi, vendredi et samedi. Cela inclut la journaliste Chloé Grace, de LeMediaTV, arrêtée alors qu’elle couvrait la manifestation de vendredi soir sur la Place de la Concorde.

Macron et son ministre de l’Intérieur fascisant, Gérald Darmanin, ont clairement donné l’ordre aux flics de réprimer les manifestations avec une extrême violence. Les images prises par les journalistes sur le terrain montrent des policiers lourdement armés qui agressent soudainement et brutalement des manifestants pacifiques et non armés. Dans toutes les grandes villes, des policiers équipés de gilets pare-balles, de gaz, de matraques, de boucliers antiémeute et souvent de fusils d’assaut ont encerclé des groupes de manifestants avant de les charger à plusieurs reprises et de les asperger de gaz lacrymogène.

Après avoir dispersé les manifestations vendredi et samedi, les unités de motards de la police BRAV-M ont parcouru les rues de Paris à la recherche de manifestants présumés ayant échappé aux premières arrestations. Samedi, des dizaines de manifestants arrêtés près de la Place d’Italie furent alignés contre un bâtiment, mains sur la tête. Samedi soir, on a de nouveau utilisé les canons à eau, tandis qu’à Lyon la brigade canine lâchait ses chiens sur les manifestants.

Samedi, la police parisienne a ordonné de «disperser» tout rassemblements non enregistré dans la ville. Mais quand les manifestants ont commencé à se rassembler place d’Italie à Paris pour une manifestation organisée par le syndicat CGT (Confédération générale du travail) d’Île-de-France, un communiqué de la police distribué aux médias leur déclara qu’«en raison de la présence de nombreux casseurs, l’organisateur appelait à la dispersion». Cela illustre le rôle traître de la bureaucratie syndicale: lorsqu’elle est sollicitée par l’État, elle rejette la responsabilité sur ses partisans et excuse leur répression violente par la police.

Samedi, à la fin de la nuit, la police avait arrêté 67 personnes à Paris et 187 dans tout le pays.

Les manifestants arrêtés mis en ligne:

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Les unités BRAV-M font la chasse aux manifestants:

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L’indignation populaire face aux coupes budgétaires et à la répression de Macron ne cesse de monter. Des manifestants attaquent les bureaux de responsables favorables aux attaques du gouvernement. Vendredi, des manifestants nocturnes ont pénétré dans le bureau du maire du 4e  arrondissement de Lyon et l’ont partiellement incendié. Samedi, les bureaux d’Eric Ciotti, président du parti Les Républicains (LR) qui avait précédemment voté pour la réforme, ont été saccagés par des manifestants à Nice. Dans plusieurs villes, des effigies de Macron, de la Première ministre, Elisabeth Borne, et d’autres responsables ont été brûlées.

Hier, le gouvernement a annoncé qu’il renforçait les mesures policières pour protéger les parlementaires et les fonctionnaires qui soutiennent la baisse des retraites.

La classe dirigeante se démène pour tenter de reprendre le contrôle de la situation, en utilisant les services des bureaucraties syndicales et des partis politiques capitalistes. Hier, une motion de censure contre le gouvernement a été débattue à l’Assemblée nationale et échoua de 9 voix à obtenir la majorité absolue. Ce vote dont l’issue dépendait du parti de droite LR (Les Républicains) avait été promu par les bureaucraties syndicales et les partis de la pseudo-gauche comme le moyen de battre Macron sans une lutte contre le système capitaliste.

La France Insoumise (LFI) de Jean Luc Mélenchon montre ses vraies couleurs de parti de l’ordre ayant des liens étendus avec la police et l’État. Dimanche, Mélenchon s’est fait l’écho des dénonciations médiatiques des violences commises par les manifestants en déclarant: «Nous qui luttons contre cette loi, nous avons un message à adresser à nos amis. Ne rendez pas la lutte invisible par des pratiques qui se retourneraient contre nous». Il n’avait rien à dire sur la répression violente exercée par la police française.

Le chef de file parlementaire de LFI, Michael Bompard, a appelé les députés LR, dont la majorité a soutenu la réforme des retraites de Macron, à voter pour la motion de censure: «Quoi que vous pensiez de cette réforme, ce que nous vous demandons, c’est: êtes-vous d’accord avec la méthode [l’utilisation du 49.3 par Macron]?»

Les directions syndicales tentent de canaliser les travailleurs derrière des manœuvres parlementaires banqueroutières qui critiquent Macron non pas pour sa réforme et son déchaînement de violence policière répressive, mais pour ne pas avoir collaboré plus étroitement avec elles et les partis d'opposition pour imposer sa réforme.

S’exprimant sur BFM-TV dimanche, le dirigeant de la CGT, Phillippe Martinez, a déclaré: «Nous avons joué notre rôle d’alerte… Je ne comprends pas. Le gouvernement et surtout le président de la République ne tiennent pas compte de nos alertes.» Martinez a souligné qu’il s’opposait aux appels à faire tomber le gouvernement Macron, déclarant: «Il ne s’agit pas de renverser le gouvernement, mais de voter ― ce que les députés n’ont pas pu faire jeudi dernier».

Laurent Berger, le chef du syndicat CFDT a ordonné aux enseignants en grève et aux étudiants protestataires d’écourter leur lutte. « Vous ne devez pas interférer avec le bac [examen de fin d’études secondaires]» a-t-il insisté.

La classe dirigeante est terrifiée par la perspective croissante d’une révolte de la base contre les bureaucraties syndicales et d’une explosion sociale incontrôlable de grèves et de manifestations. Dimanche, Charles de  Courson, député de droite et expert en finances, qui a dirigé la motion de censure visant le gouvernement Macron à l’Assemblée nationale, a mis en garde: «Aujourd’hui, les syndicats nous disent qu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir garder longtemps le contrôle des troupes, comme on disait. On a commencé à voir les premiers débordements hier soir. Le risque, c’est que les syndicats ne puissent plus contrôler le mouvement».

Depuis plus d’un quart de siècle, Courson est l’un des serviteurs les plus dévoués du pouvoir capitaliste en France. Depuis sa première élection en 1993, il a participé en tant qu’expert financier aux débats sur plus de 30  projets de loi de finances, ce qui fait de lui l’un des principaux architectes de l’austérité en France durant les trois dernières décennies. Le fait qu’un pilier de la réaction comme Courson travaille avec les directions syndicales pour tenter de contenir et de freiner la lutte illustre la nécessité pour les travailleurs de rompre complètement avec ces bureaucraties.

En opposition à celles-ci et à tous les politiciens et partis pro-capitalistes, les travailleurs et les jeunes en France doivent organiser des comités de la base indépendants des syndicats nationalistes et pro-capitalistes. Ils doivent former des liens avec leurs frères et sœurs à l’international qui sont engagés dans la même lutte contre l’austérité et la guerre.

(Article paru d’abord en anglais le 20 March 2023)

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