L’extrême droite israélienne profite de la Journée de Jérusalem pour promouvoir l’expansion de la guerre

Des dizaines de milliers de nationalistes ultra-religieux issus de groupes de jeunes sionistes religieux, de yeshivas et de séminaires ont défilé mercredi dans la vieille ville de Jérusalem-Est occupée à l’occasion de la Journée de Jérusalem. Ils portaient des chemises blanches ornées du symbole du poing de Kahane, représentant le célèbre fasciste Meir Kahane, agitaient les drapeaux bleu et blanc d’Israël et entonnaient des chants de vengeance.

La marche annuelle marquant la prise de Jérusalem-Est par Israël à la Jordanie lors de la guerre israélo-arabe de 1967 est depuis longtemps un symbole de violence et d’occupation. Dans le contexte de la guerre génocidaire d’Israël contre les Palestiniens, il s’agissait d’une provocation délibérée de la part des groupes sionistes fascistes d’Israël visant à susciter des affrontements violents comme prétexte à une nouvelle escalade de la guerre contre les Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que contre les propres citoyens palestiniens d’Israël.

Des milliers d’Israéliens ultranationalistes participent à une marche annuelle dans un quartier palestinien dense de la vieille ville de Jérusalem. [AP Photo/Leo Correa]

Les autorités ont refusé de modifier l’itinéraire pour éviter qu’il ne passe par le quartier musulman et prévenir les violents affrontements avec les résidents palestiniens de la vieille ville qui ont eu lieu ces dernières années, malgré les appels répétés en ce sens. En mai 2021, la Marche des drapeaux coïncidait avec le ramadan et fut l’un des facteurs qui ont fait monter la tension avant l’assaut meurtrier contre Gaza, ainsi que les violents affrontements entre Israéliens arabes et juifs à l’intérieur d’Israël. L’année suivante, des manifestants ont attaqué les Palestiniens de la vieille ville, blessant au moins 79 résidents, dont 28 ont dû être soignés à l’hôpital.

Cette année, alors que les tensions étaient à leur comble et compte tenu du large soutien international apporté aux Palestiniens par les travailleurs et les jeunes, les juges ont ordonné à la police de prendre des mesures à l'encontre de ceux qui avaient provoqué des émeutes, scandé des slogans racistes et anti-arabes et incité à attaquer les Arabes de la vieille ville. Les autorités ont déployé plus de 3000 policiers, y compris la police des frontières, des forces d'autres régions et des volontaires pour maintenir l'ordre.

Alors que la police a souligné que les manifestants ne seraient pas autorisés à se rendre sur le mont du Temple et dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, les ultranationalistes religieux ont déclaré qu’ils visiteraient l’enceinte avant le défilé. Troisième site le plus sacré de l’Islam et emplacement du Temple juif il y a 2.000 ans, l’enceinte est une poudrière dans les relations israélo-palestiniennes.

Les États arabes — en particulier la Jordanie, qui a la garde du complexe de la mosquée al-Aqsa en vertu d’un accord international — ont à plusieurs reprises mis en garde Israël contre toute mesure susceptible de remettre en cause les dispositions autorisant les juifs à visiter le site, mais pas à y pratiquer leur culte. Des hommes politiques d’extrême droite et des fanatiques religieux ont appelé à la fin de cette «discrimination» et les forces de sécurité israéliennes ont fermé les yeux sur les colons, les nationalistes et les militants religieux qui priaient sur le site. Les militants qui réclament la reconstruction du Temple sacré ont lancé une campagne visant à augmenter le nombre de visiteurs pendant la journée.

Itamar Ben-Gvir, ministre de la Sécurité nationale et dirigeant du Pouvoir Juif, est un raciste convaincu et un partisan de l’organisation kahaniste – autrefois désignée comme organisation terroriste en Israël et aux États-Unis – qui a menacé d’expulser les Palestiniens qui avaient la citoyenneté israélienne. Dans une interview accordée mardi à Army Radio, il a déclaré que son objectif était de fomenter des provocations dans le cadre de ses plans plus larges qui visent à intensifier la guerre sur tous les fronts, à affirmer le droit d’Israël sur le mont du Temple et à annexer la Cisjordanie, en chassant les Palestiniens. Il a déclaré: «Nous franchirons la porte de Damas et nous monterons sur le mont du Temple en dépit des Hamasniks. Nous devons les blesser à l’endroit le plus important pour eux, et nous devons venir dire que le mont du Temple est à nous et que Jérusalem est à nous. Ils doivent être battus sur leur site le plus important.»

Les organisateurs de la marche ont déclaré que la guerre à Gaza réaliserait les espoirs de nombreux membres de la droite religieuse de reconquérir la bande de Gaza. Meir Indor a déclaré au Times of Israel: «Il ne s’agit pas seulement de la libération du Mur occidental et de la vieille ville. Mais il s’agit aussi de la libération de la Judée et de la Samarie (la Cisjordanie), et cette année, c’est encore plus opportun, car il s’agit aussi de la libération de la bande de Gaza.»

C’est le rabbin Zvi Yehuda Kook, l’un des pères fondateurs du mouvement des colons, qui a entrepris la marche annuelle des drapeaux en 1968, en mobilisant Indor et d’autres étudiants sionistes religieux de sa yeshiva (séminaire religieux), Mercaz HaRav. Kook, amèrement opposé à l’acceptation par l’establishment sioniste du plan de partage des Nations unies de novembre 1947, a été l’un des premiers extrémistes religieux à réclamer un «Grand Israël». Lorsqu’Israël s’est emparé de la Cisjordanie lors de la guerre de 1967, les disciples de Kook l’ont attribué à la providence divine. Indor a déclaré: «Jérusalem est toujours au centre des batailles de nos ennemis», ajoutant que «la domination juive est une plus grande garantie de sécurité», tandis que «la domination palestinienne – c’est là que la terreur s’éveille».

Avant la marche proprement dite, des centaines de fidèles juifs, dont le ministre de la Périphérie, de la Galilée et du Néguev, Yitzhak Wasserlauf, et le législateur, Yitzhak Kreuzer, tous deux membres du Pouvoir Juif, sont entrés dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa.

Certains ont tenté de prier, de danser et de brandir des drapeaux, avant d’être arrêtés par la police. D’autres se sont déchaînés dans le quartier musulman en scandant «Mort aux Arabes» et «Que leurs villages brûlent», en poussant, en injuriant et en attaquant violemment des Palestiniens et des militants de l’organisation Standing Together, qui jouaient le rôle de «garde humanitaire» pour empêcher la violence des marcheurs et protéger les commerçants palestiniens. Au lieu de maîtriser les voyous juifs, la police a appelé les Palestiniens à fermer leurs magasins. Plusieurs jeunes ont attaqué le journaliste de Haaretz, Nir Hasson, le faisant tomber et lui donnant des coups de pied jusqu’à ce que la police des frontières intervienne. La police a arrêté 18 personnes.

Lundi soir, plusieurs centaines de personnes ont défilé à Jérusalem dans un élan de solidarité interconfessionnelle pour exprimer leur opposition à la Marche des drapeaux et appeler à la fin de la guerre. Cette marche faisait suite aux plus grandes manifestations organisées samedi dans les villes d’Israël depuis le début de la guerre pour réclamer un cessez-le-feu, le retour des otages et la fin de la guerre.

La Marche des drapeaux a eu lieu quelques jours seulement après que Ben-Gvir et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, ont menacé de quitter la coalition gouvernementale du Premier ministre Benjamin Netanyahu si celui-ci acceptait un cessez-le-feu à Gaza dans le cadre d’un accord visant à libérer une partie des otages, avant que le Hamas ne soit détruit, comme l’a suggéré vendredi le président américain Joe Biden. Ils ont promis de «dissoudre le gouvernement» plutôt que d’accepter cette proposition.

À la fin du mois dernier, une vidéo est apparue sur les réseaux sociaux israéliens montrant un homme armé et masqué portant un uniforme de l’armée israélienne – plus tard identifié comme Ofir Luzon, un militant de droite de Herzliya et partisan du Likoud, le parti de Netanyahou – menaçant de se mutiner. Dans un message adressé à Netanyahou, au ministre de la Défense Yoav Gallant et au chef d’état-major Herzi Halevi, le soldat a déclaré que Gallant devait démissionner. Il a averti que les 100.000 réservistes présents à Gaza n’étaient pas disposés à «remettre les clés de Gaza à l’Autorité palestinienne» ou à une autre «entité arabe» et a déclaré que ces soldats n’obéiraient qu’aux ordres de Netanyahou. Le fils de Netanyahou, Yair, qui se trouve actuellement en Floride pour échapper à son devoir de réserviste, a été l’un des nombreux à partager la vidéo jusqu’à ce que le tollé l’oblige à la supprimer.

Après la marche, Smotrich a appelé Netanyahou à envahir le Sud-Liban pour mettre fin aux attaques du Hezbollah, déclarant: «Pour remporter la victoire, nous devons aller dans le Nord, combattre le Hezbollah et le détruire». «Nous voulons la victoire», a-t-il ajouté. «Laissez nos guerriers héroïques gagner, rétablissez notre honneur national, notre fierté nationale et notre sécurité et permettez aux résidents héroïques de rentrer chez eux en toute sécurité. Le peuple d’Israël est derrière vous!»

Ben-Gvir s’est rendu dans la ville de Kiryat Shemona, dans le nord du pays, pour exiger une action plus ferme contre le Hezbollah. Il a déclaré qu’il était inacceptable que «notre terre soit sous le feu et que nous soyons blessés, que les gens ici évacuent», alors que «le calme règne au Liban». «Ils nous brûlent ici. Tous les bastions du Hezbollah devraient être brûlés, ils devraient être détruits. La guerre!»

Le gouvernement fasciste de Netanyahou est déterminé à utiliser la guerre contre Gaza pour chasser les Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie occupées et s’emparer de leurs terres. L’armée a mené des opérations de masse quasi quotidiennes contre des villes de Cisjordanie, abattant des Palestiniens. Ces opérations, combinées aux attaques quotidiennes de colons sionistes armés, protégés par l’armée, contre des villageois palestiniens, déracinant leurs oliveraies et endommageant leurs maisons pour les chasser de leurs terres, ont entraîné la mort de 505 Palestiniens depuis le 7 octobre.

Le ministre des Finances, Smotrich, s’apprête à légaliser 68 avant-postes de colons sur des terres palestiniennes privées saisies en Cisjordanie, illégales au regard du droit israélien. Il aurait ordonné à plusieurs ministères de commencer à préparer des services publics, notamment des établissements d’enseignement, des routes goudronnées et des services médicaux, dans ces avant-postes une fois qu’ils auront été «légalisés». La construction d’avant-postes a considérablement augmenté depuis le début de la guerre: au moins 15 ont été construits entre octobre et janvier, contre 23 sur l’ensemble de l’année 2023, selon Peace now, après que les colons ont déplacé de force 21 communautés palestiniennes.

Le gouvernement a également accéléré la construction de colonies à travers Jérusalem-Est à un rythme sans précédent, approuvant ou faisant avancer plus de 20 projets qui totalisent des milliers de logements depuis le début de la guerre. Ces logements seront offerts à la population juive d’Israël dans le cadre de ses plans qui visent à empêcher la création d’un État palestinien qui aura Jérusalem-Est pour capitale et à maintenir une majorité juive dans la ville, dont la population atteint aujourd’hui un million d’habitants, dont 40 pour cent sont des Palestiniens.

(Article paru en anglais le 7 juin 2024)

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