Les détails du massacre commis par Israël au camp de réfugiés de Nuseirat commencent à apparaître

Les détails du massacre perpétré par Israël dans le camp de réfugiés de Nuseirat à Gaza commencent à apparaître. L’armée israélienne y a tué 274  personnes et en a blessé des centaines.

Des Palestiniens aident un homme blessé après des frappes israéliennes dans le camp de réfugiés de Nuseirat, dans la bande de Gaza, le samedi 8 juin 2024 [AP Photo/Jehad Alshrafi]

Le Washington Post a confirmé dimanche que les forces israéliennes avaient utilisé des véhicules civils lors de cette opération militaire et que celle-ci avait été organisée près du port «humanitaire» construit par l’armée américaine. Le bureau des médias du gouvernement de Gaza a rapporté que les soldats des Forces de défense israéliennes (FDI) s’étaient fait passer pour des réfugiés avant d’ouvrir le feu sur le camp.

Ce massacre a été commis sous le prétexte de vouloir «libérer des otages» mais les otages tués (trois) ont été presque aussi nombreux que les otages secourus (quatre).

Selon les médias américains, ce massacre qui a fait près d’un millier de victimes, morts et blessés, et détruit une centaine de bâtiments, visait juste à détruire tout ce qui se trouvait sur le chemin du commando israélien. «L’armée de l’air a commencé à tirer pour leur donner un couloir, un mur de feu», a déclaré le général de division à la retraite, David Tsur, au Washington Post.

Les FDI se vantent de l'étroite collaboration avec les États-Unis dans ce massacre. Elles rapportent que «la cellule otages américaine a joué un rôle décisif dans la libération des otages» et qu'elle a utilisé «une technologie américaine de haute précision qui n'avait jamais été utilisée auparavant dans le processus de libération des otages.»

Le Pentagone a nié toute participation directe de l’armée américaine à l’attaque. «L’installation du ponton, son équipement, son personnel et ses instruments, n’ont pas été utilisés dans l’opération [de l’armée israélienne] pour libérer des otages à Gaza», a déclaré le porte-parole du Pentagone, Pat Ryder.

Il a toutefois admis que «l’armée israélienne a utilisé des hélicoptères» près de l’embarcadère, mais affirma que cette activité n’était «pas associée» à l’armée américaine.

L’Euro-Med Monitor [Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme] a rapporté que «des attaques aériennes et d’artillerie massives et aveugles ont été lancées par l’armée israélienne pendant l’opération afin de dissimuler le retrait des forces israéliennes».

Le massacre a provoqué un afflux de blessés dans le système hospitalier surchargé de Gaza. «Nous avons placé les blessés le long des couloirs intérieurs et entre les lits. Il n’y a pas de place du tout dans cet hôpital. Nous les avons fait dormir dans des tentes extérieures», a déclaré à Al Jazeera le docteur Khalil al-Dakran, de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, en précisant qu’il y avait quatre fois plus de blessés que de lits dans l’hôpital.

«C’est un cauchemar à Al-Aqsa», a déclaré Samuel Johann, coordinateur de Médecins sans frontières à Gaza. «Les bombardements sur des zones densément peuplées se succèdent et font de nombreuses victimes. C’est bien au-delà de ce que l’on peut faire dans un hôpital en état de marche, et encore moins avec les maigres ressources dont nous disposons ici. Combien d’hommes, de femmes et d’enfants devront encore être tués avant que les leaders mondiaux ne décident de mettre fin à ce massacre?»

«Israël a commis un massacre à Nuseirat», a déclaré samedi Khalil al-Degran, porte-parole de l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa. «Dans ce terrible état, l’hôpital ne peut absorber le nombre de morts et de blessés. L’hôpital fonctionne à plein régime depuis des semaines».

Karin Huster, de Médecins sans frontières, a déclaré à l’Associated Press (AP) lors d’une interview: «Nous avons reçu toute la gamme des blessures de guerre, des blessures traumatiques, des amputations, des éviscérations, des traumatismes, des lésions cérébrales traumatiques, des fractures et, évidemment, des grandes brûlures… Des enfants complètement gris ou blancs à cause du choc, brûlés, qui crient pour leurs parents. Beaucoup d’entre eux ne crient pas parce qu’ils sont en état de choc».

L’armée israélienne a tué dans ce massacre quelque 274  Palestiniens et en a blessés 700. Parmi les morts, on compte 64  enfants et 57  femmes. «Les rues sont remplies de cadavres», a déclaré un témoin à l’AP. Quatre-vingt-neuf maisons ou bâtiments d’habitation ont été bombardés.

«La zone a été réduite en cendres… Je ne trouvais pas ma femme et j’ai commencé à appeler ceux autour de moi pour m’assurer qu’ils étaient toujours en vie», a déclaré un témoin, Abu Nasser, dans une interview à The Intercept.

Paraphrasant Nasser, The Intercept écrit: «Les rues étaient envahies par une nuée de “drones quadricoptères” équipés d’armes légères. On entendait les chenilles des chars d’assaut à proximité. Des hélicoptères d’attaque “Apache” de fabrication américaine étaient en vol stationnaire. Les maisons voisines ont été touchées par des missiles».

Nasser poursuit ainsi: «Nous avons entendu des gens crier à l’aide dans les maisons bombardées… Il y avait des martyrs et des blessés, mais on ne pouvait pas les aider… La rue était jonchée de morceaux de corps de civils… et de nombreux blessés se vidaient de leur sang sans que les ambulances puissent les atteindre».

Martin Griffiths, sous-secrétaire général des Nations unies aux affaires humanitaires, a déclaré que le camp de Nuseirat était «l’épicentre du traumatisme sismique que les civils de Gaza continuent de subir». Il a ajouté: «Les images de mort et de dévastation qui ont suivi l’opération militaire israélienne dans ce camp prouvent que chaque jour qui passe, cette guerre devient de plus en plus épouvantable. En voyant les blessés en sang être soignés à même le sol de l’hopital, nous nous rappelons que les soins de santé de Gaza ne tiennent qu’à un fil».

Depuis le début du génocide de Gaza, au moins 37.124 Palestiniens ont été tués et 84.712 blessés et d’innombrables autres sont portés disparus ou présumés morts.

Dans un communiqué publié dimanche, l’organisation Medical Aid for Palestinians (MAP) a demandé l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur les massacres perpétrés par Israël dans les hôpitaux palestiniens où des centaines de charniers ont été découverts.

«Israël a attaqué quasiment tous les hôpitaux de Gaza. Des centaines de travailleurs de la santé et de patients ont été tués et détenus. La découverte de charniers dans deux hôpitaux démontre une fois de plus que le statut protégé au regard du droit international des soins de santé de Gaza a totalement échoué, et les résultats sont terribles», a déclaré Rohan Talbot, directeur de plaidoyer pour MAP.

«Les familles des morts méritent de connaître la vérité sur ce qui est arrivé à leurs proches et d’obtenir justice partout où de graves violations du droit international ont été commises. Cela ne peut se faire que par des enquêtes approfondies, rapides et impartiales», a-t-il déclaré. «La communauté internationale doit donc exiger que des enquêteurs indépendants et des experts médico-légaux aient accès à Gaza, afin que les preuves puissent être préservées et que les responsabilités soient établies», a ajouté Talbot.

Les bombardements israéliens incessants sur le territoire palestinien dévasté se sont poursuivis après le raid. «Les bombardements israéliens – aériens, terrestres et maritimes – se poursuivent dans une grande partie de la bande de Gaza, faisant de nouvelles victimes civiles, provoquant des déplacements et la destruction d’habitations et d’autres infrastructures civiles», ont rapporté lundi les Nations unies.

(Article paru en anglais le 11 juin 2024)

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