Perspective

Après la dissolution du parlement par Macron, comment lutter contre le néofascisme et la guerre?

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Aujourd’hui, des centaines de milliers de personnes manifesteront contre l’extrême-droite à travers la France, après que Macron a réagi à l’avancée de l’extrême-droite dans les élections européennes en dissolvant l’Assemblée et en appelant à des élections anticipées le 7 juillet. Parmi les travailleurs et les jeunes, l’inquiétude monte sur la croissance du Rassemblement national (RN) néofasciste.

La dirigeante française d'extrême droite Marine Le Pen s'exprime alors que Jordan Bardella, président du Rassemblement national d'extrême droite français, écoute au siège du parti le soir des élections. (Crédit : AP Photo/Lewis Joly)

Juste après l’annonce de l’élection, Jean-Luc Mélenchon, le chef de la France insoumise (LFI) a annoncé la création d’un «Nouveau Front populaire». C’est un piège politique pour tous ceux qui veulent lutter contre l’extrême-droite et le militarisme policier. Cela bloque la lutte pour le socialisme en subordonnant les travailleurs à une alliance suffocante avec le PS bourgeois, le PCF stalinien, et les Verts. Ces partis corrompus ne produiront que des désastres pour les travailleurs.

Sur son alliance avec le PS et le PCF, le 10 juin, Mélenchon a dit: «Nous avons échangé ce jour pour faire face à la situation historique du pays, suite aux résultats des élections européennes et à la dissolution de l’Assemblée nationale. Nous appelons à la constitution d’un nouveau front populaire rassemblant dans une forme inédite toutes les forces de gauche humanistes, syndicales, associatives et citoyennes.»

Pour la première fois depuis la chute du régime collaborationniste de Vichy en 1944, l’extrême droite pourrait former un gouvernement en France. Elle s’approche du pouvoir alors que l’OTAN apporte son soutien au génocide à Gaza et prépare la première guerre contre la Russie depuis l’invasion nazie de l’Union soviétique.

Macron organise ces élections juste après les élections anticipées britanniques le 4 juillet et avant le sommet de l’OTAN le 9 juillet à Washington. Ce sommet abordera les projets de Macron et d’autres dirigeants de l’OTAN d’intensifier la guerre avec la Russie en Ukraine. 68 pour cent des Français et 80 pour cent des Allemands sont hostiles à ces projets. Mais Macron compte utiliser les élections pour préparer la classe politique à faire la guerre aux travailleurs à l’intérieur, afin de pouvoir faire la guerre à la Russie à l’extérieur.

Mélenchon dit que son Front populaire portera «un programme de rupture détaillant les mesures à engager dans les 100 premiers jours du gouvernement du nouveau front populaire. Notre objectif est de gouverner pour répondre aux urgences démocratiques, écologiques, sociales et pour la paix.»

Mais ce Front populaire n’est une force ni pour la démocratie ni pour la paix. Il propose un gouvernement fondé sur des relations de propriété capitalistes qui défendra les intérêts de l’impérialisme français. Il arrime les travailleurs au PS, qui prône la guerre avec la Russie sous couvert de «l’aide à l’Ukraine», et dont les liens officieux à l’extrême-droite remontent à sa fondation en 1971 par l’ex-collaborationniste François Mitterrand.

Le terme «Front populaire» est associé aux pires trahisons de la classe ouvrière. Dans les années 1930, il a défendu les calomnies antitrotskystes de Staline et bloqué une lutte de la classe ouvrière pour le pouvoir et pour le socialisme lors de la grève générale de 1936. Les parlementaires libéraux et social-démocrates du Front populaire ont finalement voté dans leur majorité pour donner les pleins pouvoirs au dictateur vichyste Philippe Pétain en 1940.

Le premier défi pour stopper la résurgence de l’extrême-droite est d’expliquer comment elle s’est produite. Comment se fait-il que dans un pays où un mouvement de résistance s’est développé contre Vichy dans la classe ouvrière, les héritiers de Vichy sont à nouveau aux portes du pouvoir?

Ce n’est pas que des organisations paramilitaires fascistes de masse comme les SA hitlériennes ou la Milice de Vichy ont réapparau dans la population. Mais à la différence des dirigeants de l’ère hitlérienne, l’extrême-droite aujourd’hui n’a pas besoin de telles milices pour se renforcer. Elle se nourrit de la poursuite de la guerre, de l’austérité et de l’inégalité sociale par la bourgeoisie impérialiste, dont elle est le serviteur le plus zélé.

Mais surtout, les néofascistes dépendent de l’amertume et de la confusion produites dans la population par des décennies de trahisons par la sociale-démocratie, le stalinisme et les descendants des renégats du trotskysme.

La prétension du Front populaire mélenchonien à être «inédit» est peut-être son plus grand mensonge: Il ne fait que répéter ce que Mélenchon fait depuis un demi-siècle. Il a commencé dans l’Organisation communiste internationaliste (OCI) de Pierre Lambert, alors qu’elle rompait avec le Comité international de la IVe Internationale, la direction du mouvement trotskyste mondial. L’OCI a rejeté le trotskysme pour appuyer «l’Union de la gauche» entre le PS et le PCF. Mélenchon lui-même a rejoint le PS en 1976.

Après l’élection de Mitterrand en 1981 et son abandon rapide de ses promesses électorales afin d’imposer l’austérité, Mélenchon est devenu Sénateur. Il a travaillé avec Mitterrand alors que le gouvernement PS faisait la guerre contre l’Irak en 1990-1991 et construisait l’Union européenne. Après la mort de Mitterrand, Mélenchon est devenu ministre du gouvernement austéritaire de la «Gauche plurielle» entre 1997 et 2002.

Au 21e siècle, après l’effondrement de la base ouvrière du PCF suite à la dissolution stalinienne du l’URSS, il est devenu un chantre des théories populistes des classes moyennes antimarxistes. En 2014, dans L’Ere du peuple, il a écrit que «c’est le peuple qui prend la place qu’occupait hier la ‘classe ouvrière révolutionnaire’ dans le projet de la gauche». Appelant au «dépassement» du socialisme, il prône «La révolution citoyenne, ce n’est pas l’ancienne révolution socialiste».

Il faut rejeter ces arguments antiouvriers, antisocialistes et antitrotskystes. Les menaces de guerre et du néofascisme démontrent que le capitalisme vit une crise mortelle. Pour aller de l’avant, la classe ouvrière européenne et internationale devra renouer avec l’héritage politique de la révolution d’octobre 1917. Les travailleurs devront prendre le contrôle de l’économie et de l’industrie mondiales à l’aristocratie capitaliste belliciste, avant que cette dernière ne mène une escalade provoquant une conflagration nucléaire.

La montée des néofascistes démontre non pas l’impossibilité, mais l’urgente nécessité d’une lutte pour le socialisme. Trotsky l’a expliqué à propos du danger dans les années 1930 d’une montée de soutien pour le fascisme dans la paysannerie de masse qui existait en France. Dans Où va la France, alors qu’il luttait pour fonder la IVe Internationale contre le Front populaire entre staliniens, social-démocrates et libéraux, il a écrit:

Il est faux, trois fois faux, d'affirmer que la petite bourgeoisie actuelle ne se tourne pas vers les partis ouvriers parce qu'elle craint les 'mesures extrêmes'. Bien au contraire. La couche inférieure de la petite bourgeoisie, ses grandes masses ne croient pas à la force des partis ouvriers, ne les croient pas capables de lutter, ni prêts cette fois à mener la bataille jusqu'au bout.

Le vote d’extrême-droite aujourd’hui, souvent parmi des travailleurs ruraux ou dans des régions désindustrialisées par le PS, ne veut pas dire que ces travailleurs s’opposent aux luttes. Ils ont souvent rejoint des mobilisations explosives comme celles des «gilets jaunes». Mais ils ne peuvent être persuadés d’abandonner le néofascisme que par une lutte trotskyste déterminée contre l’OTAN, Macron et les appareils corrompus du Front populaire d’aujourd’hui.

Le Parti de l’égalité socialiste, section française du CIQI, soutient les mobilisations et les grèves les plus larges contre le fascisme et le guerre. L’escalade militaire et l’austérité de Macron l’amèneront sans trop tarder à une collision avec les travailleurs en France et à l’international. Mais pour mener cette lutte, la classe ouvrière aura besoin de construire ses propres organisations de lutte dans la base, mobilisant contre le fascisme et la guerre un mouvement international pour le socialisme.

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