Le plénum des dirigeants chinois fait apparaître des tensions sociales dans un contexte de problèmes économiques

La direction du Parti communiste chinois (PCC) est de plus en plus préoccupée par le fait que des problèmes économiques importants, qui se traduisent par des taux de croissance beaucoup plus faibles par rapport aux années précédentes, entraîneront une augmentation des tensions sociales et de l'opposition politique.

Le président chinois Xi Jinping lors d'une session de l'Assemblée populaire nationale à Pékin, mardi 7 mars 2023. [AP Photo/Ng Han Guan]

En témoignent les questions soulevées dans le communiqué du troisième plénum du Comité central qui s'est tenu à Pékin la semaine dernière. Celui-ci est composé de quelque 199 membres et 165 suppléants ainsi que d'un certain nombre d'experts politiques.

La réunion a été convoquée pour tracer la voie du développement économique futur et pour faire face à des problèmes importants. L'objectif officiel de croissance est d'environ 5 pour cent – le plus bas depuis environ trois décennies – et les problèmes ont été mis en évidence par la chute du taux de croissance à 4,7 pour cent au deuxième trimestre, contre 5,3 pour cent enregistré au premier.

Parmi les appels vagues de la déclaration initiale – des plans plus spécifiques pourraient être publiés dans les semaines à venir – il y avait une référence aux problèmes causés par la fin du modèle de croissance précédent basé sur le développement de l'immobilier et des infrastructures, et qui était responsable de jusqu'à 30 pour cent du PIB.

L'effondrement de cette orientation, dû à l'endettement croissant et à la menace qu’il représente pour la stabilité financière, a conduit le président chinois Xi Jinping, qui est également secrétaire général du PCC, à mettre en œuvre le développement de « forces productives de haute qualité» basées sur les nouvelles technologies.

Cette orientation se poursuivra. Il n'y avait aucune référence à la nécessité d'augmenter la consommation, comme le préconisaient de nombreux économistes occidentaux ainsi que certains en Chine, afin d'augmenter le taux de croissance économique. Mais la déclaration du plénum a reconnu les problèmes découlant de la fin du modèle de l'ancienne croissance.

Elle déclare que la direction «mettrait en œuvre diverses mesures pour prévenir et désamorcer les risques dans l'immobilier, la dette des gouvernements locaux, des petites et moyennes institutions financières et d'autres domaines clés».

Ces problèmes ne sont pas moindres. On estime que la dette totale des ‘véhicules de financement des gouvernements locaux’ (initiales anglaises LGFV) se situe entre 7 et 10.000 milliards de dollars. Les LGFV ont contracté des dettes pour financer des projets d'infrastructure en vendant des terrains pour le développement de logements. Mais avec le ralentissement du secteur immobilier, mis en évidence par l'effondrement de grandes entreprises telles qu’Evergrande et bien d'autres, cette forme de financement est de moins en moins viable.

Il est significatif que le même paragraphe qui pointe les problèmes de la dette soulève aussi la nécessité d'un contrôle social et politique plus strict de la part de l'État.

«Nous renforcerons le réseau de prévention et de contrôle des risques pour la sécurité publique afin de préserver la stabilité sociale. Nous améliorerons l'orientation de l'opinion publique et traiterons efficacement les risques dans le domaine idéologique.»

La signification de ces déclarations est qu'elles expriment la grande crainte de la direction du PCC qu'à mesure que la croissance ralentit et que les tensions économiques et sociales augmentent, le régime, ayant depuis longtemps abandonné tout engagement réel en faveur de l'égalité sociale, perde toute légitimité politique restante et qu’il doive faire face à un mouvement d'opposition venant d'en bas.

Le long retard dans la convocation du plenum – 17 mois se sont écoulés depuis le précédent plénum en février 2023, l'un des plus longs intervalles depuis l'époque de Mao – indique également de possibles conflits au sein de la direction centrale.

Outre la peur de l'opposition dans la classe ouvrière, il y a celle de l'émergence de fissures au sein de la direction du régime bonapartiste de Xi, qui risquerait d’ouvrir une brèche par laquelle une opposition plus large pourrait commencer à s'engouffrer.

Cette préoccupation a été exprimée dans un long paragraphe qui «soulignait que la direction du Parti est la garantie fondamentale pour la poursuite des réformes».

«Nous devons acquérir une compréhension profonde de la signification décisive d'implanter la position centrale du camarade Xi Jinping au Comité central du Parti et dans le Parti en général, et d’'instaurer le rôle directeur de la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise pour une nouvelle ère...»

Le régime de Xi Jinping n'est en aucun cas socialiste. Début 2018, Xi et les dirigeants chinois ont mis fin à la pratique de 30 ans selon laquelle les présidents servent pendant deux mandats ; ils l'ont installé comme dirigeant à vie dans le but de défendre les intérêts de la classe dirigeante capitaliste.

Son régime bonapartiste a cherché à se tenir en équilibre entre les intérêts concurrents des oligarques chinois – les inégalités sociales en Chine sont parmi les plus extrêmes du monde – la pression exercée par les puissances impérialistes États-Unis en tête, tout en cherchant à défendre les intérêts de la classe capitaliste dans son ensemble contre la classe ouvrière, qui compte maintenant plus de 400 millions de personnes.

Sur le plan social, le régime s'est appuyé sur une couche croissante mais étroite de la classe moyenne supérieure qui a pu progresser dans des conditions de croissance économique constamment élevée. Mais cette base est menacée.

Ces six dernières années, les pressions exercées sur le régime se sont intensifiées. La croissance est tombée en dessous du niveau de 8 pour cent, que le régime du PCC avait autrefois déclaré nécessaire pour maintenir la stabilité sociale, et ne l’a plus jamais atteint.

Les espoirs du régime de pouvoir s'intégrer pacifiquement dans l'économie mondiale ont été brisés. Commençant avec le gouvernement Trump et s'intensifiant avec celui de Biden, l'impérialisme américain a lancé une guerre économique contre la Chine destinée à écraser son développement économique au moyen de sanctions et d’interdictions d'exportation sans cesse plus étendues pour de vitaux composants de haute technologie.

À cela s'ajoute désormais des droits de douane sur les exportations chinoises, en particulier dans le domaine des technologies vertes de pointe telles que les véhicules électriques.

Les puissances européennes se joignent de plus en plus à l'offensive économique, tandis que les préparatifs en vue d'un conflit militaire se poursuivent à un rythme soutenu.

Sans entrer dans les détails, l'introduction de la déclaration plénière note que le régime est confronté à un «environnement international grave et complexe et à la tâche ardue de faire progresser la réforme et le développement et d'assurer la stabilité à l'intérieur».

La réponse des médias occidentaux au plénum est qu'il n'a rien fait ou presque pour résoudre les problèmes grandissants de l'économie chinoise.

Cette conclusion fut résumée dans des commentaires au Financial Times de l'expert de la Chine Eswar Prasad, de l'Université Cornell.

«Le plénum a de nouveau articulé les objectifs économiques du gouvernement et reconnu certains risques clés, mais il inspire peu de confiance dans le fait que le gouvernement dispose d'une stratégie pour gérer efficacement les problèmes cycliques et structurels de l'économie», déclare-t-il.

Si cette évaluation est correcte, et les mentions faites par le plénum de la nécessité de contrôles sociaux et idéologiques plus stricts pointent dans cette direction, tout indique que la période de paix sociale relative dont le régime a bénéficié depuis la répression de la classe ouvrière à l'époque du massacre de Tiananmen, en 1989, touche à sa fin.

Loading