De nombreuses questions restent sans réponse plus d’une semaine après la tentative d’assassinat contre Trump

Plus d’une semaine après que l’ex-président Donald Trump ait manqué d’être assassiné par un tireur amateur de 20 ans, de multiples questions restent sans réponse concernant la défaillance complète de la sécurité lors du meeting électoral de Butler, en Pennsylvanie, où la fusillade s’est produite.

L’ancien président Donald Trump est couvert par des agents des services secrets américains sur la scène d’un meeting de campagne électorale, samedi 13 juillet 2024, à Butler, en Pennsylvanie. [AP Photo/Evan Vucci]

La fusillade a fait un mort dans le public et a grièvement blessé deux personnes. Trump lui-même, selon son ancien médecin de la Maison Blanche et aujourd'hui membre du Congrès [parlement, Ronny Jackson, a reçu une blessure de «2 cm» causée par une balle. Le tireur a été identifié comme étant Thomas Matthew Crooks, un jeune diplômé du Community College d’Allegheny County, qui travaillait dans une maison de retraite locale.

À l’heure d’écrire ces lignes, aucune motivation politique n’a été avancée par les autorités ou les membres de la famille. Une fouille de son téléphone portable a permis à la police de trouver des images de Trump et Biden, du président de la Chambre Mike Johnson et du chef de la minorité de la Chambre Hakeem Jeffries, ainsi que du procureur général Merrick Garland et du directeur du FBI Christopher Wray. En plus de s’inscrire au meeting de Trump à Butler, Crooks a cherché les dates de ses futurs meetings et de celles de la Convention nationale démocrate.

Durant toute la semaine, l’US Secret Service (une de plusieurs agences relevant du ministère de la Sécurité intérieure) n’a donné aucune explication plausible sur comment le tireur a pu escalader un bâtiment, monter sur le toit avec un fusil et tirer sur Trump à relativement peu de distance, et cela même après que le tireur eut été identifié par la police et des participants comme une menace des heures avant.

Dans une interview à ABC lundi, la directrice du Service Secret Kimberly A. Cheatle a affirmé que les agents n’avaient pas sécurisé le toit où Crooks avait une vue dégagée sur Trump parce que «ce bâtiment en particulier a un toit en pente à son point le plus haut, et donc, vous savez, il y a un facteur de sécurité qui serait pris en compte ici, nous ne voudrions pas mettre quelqu’un sur un toit en pente».

Lors de ses interventions au Congrès, de ses interviews télévisées et même à la Convention nationale républicaine, Cheatle a fait l’objet d’un examen méticuleux. Des dizaines de républicains, dont le président de la Chambre Johnson et le chef de la minorité du Sénat, Mitch McConnell, ont appelé Cheatle à démissionner.

Cheatle avait pris la tête de l’agence et remplacé le précédent directeur, James Murray, après que celui-ci ait supervisé l’épuration des messages textuels sur les téléphones portables des agents du Service secret dans le sillage du coup d’État raté de Trump.

Cheatle a commencé à travailler pour ce service dans les années 1990. Selon une biographie publiée sur le site web de l’agence, elle s’est spécialisée dans les crimes financiers à Détroit. Après cinq ans à Détroit, elle a été transférée à Washington et affectée à la protection rapprochée du vice-président de l’époque Dick Cheney. Le 11 septembre 2001, Cheatle a fait partie des agents qui ont escorté Cheney dans un bunker alors que des avions s’écrasaient sur le World Trade Center et le Pentagone.

Cheatle a également travaillé à la sécurité de Biden lorsqu’il était vice-président sous Obama. Dans une déclaration annonçant sa nomination en tant que directrice de l’agence en 2022, Biden a écrit que lui et Jill Biden avaient «appris à faire confiance à son jugement et à ses conseils […]. Elle a toute ma confiance et je me réjouis de travailler avec elle».

Cheatle a été citée à comparaître devant la Commission de surveillance et de responsabilité de la Chambre des représentants et a été questionnée par celle-ci lundi 22 juillet.

Lors de l’émission «Face the Nation» (Face à la nation), dimanche matin, Mike Turner, président de la Commission parlementaire du renseignement, a réitéré sa demande de démission de Cheatle, déclarant que «les manquements sont absolument scandaleux et incroyables».

Trump a déclaré que, selon une chronologie présentée par l’agence aux législateurs plus tôt cette semaine, le Service Secret était au courant d’une «menace particulière» neuf minutes avant que Trump ne monte sur scène. Citant la même chronologie fournie par le Secret Service, Trump a déclaré que les contre-tireurs de l’agence n’ont tiré sur l’assassin potentiel qu’après que Trump ait été blessé à l’oreille.

«Chaque aspect de leur échec», a déclaré Turner, «mène tout droit à donner une opportunité de tirer sur Donald Trump».

Selon Trump, les responsables de sa campagne électorale avaient déjà demandé plus de sécurité et avaient essuyé un refus de la part de l’agence. Des articles de presse ont confirmé cette information, tout en précisant que cela n’avait pas été le cas lors du rassemblement de Butler.

Anthony Guglielmi, porte-parole de l’agence, avait précédemment démenti globalement que celle-ci ait jamais rejeté des demandes de sécurité supplémentaire de la part de l’équipe Trump. Cependant, en réponse à des questions détaillées du Washington Post, Guglielmi a confirmé au cours du week-end que le siège de l’agence «pourrait avoir, en fait, refusé certaines demandes de sécurité supplémentaire de l’équipe Trump et qu’il examinait la documentation pour mieux comprendre l’interaction spécifique», rapporte ce journal.

Dimanche, le député de Pennsylvanie Brendan Boyle a été le premier démocrate à appeler Cheatle à démissionner. Le membre le plus important de la Commission du budget écrit: «Les éléments de preuve révélés ont montré des défaillances opérationnelles inacceptables. Je n’ai aucune confiance dans la direction du Service Secrets des États-Unis si la directrice Cheatle choisit de rester à son poste».

Le 19 juillet, le Wall Street Journal a d’abord rapporté que Crooks avait pu faire voler un drone au-dessus des terrains du «Butler Farm Show» le jour du rassemblement de Trump. Selon le Journal les responsables des forces de l’ordre avaient confirmé que le drone volait sur une trajectoire préprogrammée, ce qui suggère que Crooks avait déjà recueilli des renseignements sur le terrain.

Le Journal a confirmé que Crooks s’était inscrit pour la première fois au rassemblement le 7 juillet, quatre jours après son annonce par la campagne Trump, et qu’il avait «visité le site de l’exposition agricole quelques jours plus tard pour l’examiner».

Les progrès récents de la technologie et des techniques de production ont entraîné une explosion de l'utilisation de drones par les travailleurs, les étudiants et les jeunes pour les loisirs, la photographie et la réalisation de films. Parallèlement, les forces policières et militaires américaines et internationales adoptent cette technologie pour la surveillance et les opérations de combat. À Gaza, l'armée israélienne soutenue par les États-Unis a utilisé des drones quadcoptères pour assassiner des professionnels de la santé et des civils en fuite.

Le Service Secret compte quelques 8.000 employés et dispose d’un budget de plus de 36 milliards de dollars. L’agence comprend plusieurs divisions, dont la division des opérations spéciales (SOD). Au sein de la SOD, certaines branches sont spécialisées dans différents aspects de la sécurité, notamment l’Airspace Security Branch qui «élabore et met en œuvre des plans de sécurité pour surveiller et contrôler l’espace aérien qui entoure les lieux visités par le président et le vice-président des États-Unis.... et d’autres événements majeurs désignés».

Une autre branche spécialisée au SOD est la branche des systèmes aériens sans pilote (C-UAS). Selon les propres termes de l’agence, les membres de la C-UAS «utilisent une variété de technologies pour filtrer la zone autour d'un lieu à protéger et coordonner les réactions défensives en cas d'intrusion d'un drone non autorisé».

Malgré l’existence de ces branches spécialisées au sein de l’agence, à la suite d’une réunion à huis clos entre Cheatle et les législateurs mercredi 17 juillet, il a été rapporté et depuis confirmé, que l’agence n’avait pas fait voler ses propres drones avant ou pendant le meeting.

Dans son podcast, Verdict, le sénateur du Texas Ted Cruz a affirmé qu’un sénateur avait demandé à Cheatle à la réunion du 17 juillet: «Y avait-il des drones, oui ou non?». Selon Cruz, la réponse de la cheffe du Service Secret a été: «Nous avons déterminé que le risque lié à ce toit était atténué par la présence de contre-tireurs d’élite».

En plus de son fusil AR-15, Crooks était armé d’un détonateur à distance. Il semble que le détonateur ait été relié à deux bombes artisanales et à un récepteur situés dans la voiture de Crooks, garée près des lieux du rassemblement. La police a également trouvé un gilet pare-balles et trois chargeurs de 30 balles dans sa voiture.

Lors d’une perquisition au domicile de Crooks, la police affirme avoir trouvé un gilet pare-balles, une autre bombe télécommandée et une imprimante 3D.

Selon plusieurs informations, le 12 juillet, la veille du meeting de Butler, Crooks s’est rendu au Clairton Sportmen’s Club, un stand de tir dont lui et son père sont membres. Le lendemain, le matin du rassemblement, il a acheté une échelle de cinq pieds à Home Depot et 50 cartouches au magasin de munitions de Bethel Park. Crooks s'est ensuite rendu au rassemblement et s'est apparemment fait connaître des autorités en tentant d’entrer dans la zone sécurisée avec un télémètre, un appareil utilisé principalement par les chasseurs pour mesurer les distances par rapport à des cibles éloignées.

Après qu’on l’eut autorisé à pénétrer dans la zone sécurisée, avec le télémètre, vers 15 heures, un peu plus de trois heures avant la fusillade, des policiers auraient suivi Crooks. Celui-ci a fini par quitter la zone sécurisée et on l’a vu peu après 17 heures en train de marcher près du bâtiment de l’American Glass Research International. Le bâtiment est situé à environ 400 pieds [122 mètres] de l’endroit où Trump a parlé. Crooks a utilisé le toit du bâtiment pour aligner son tir. Il semble qu’à ce moment-là, il n’avait pas le fusil sur lui.

À 17 h 45, Crooks a été repéré par un policier du comté de Beaver qui observait le même bâtiment d’AGR International. Dix minutes plus tard, les agents du Service Secret ont été avertis par la police locale qu’il y avait une «personne suspecte» dans le secteur qui représentait une «menace». Dix minutes plus tard, à 18 h 05, Trump est monté sur scène.

Quatre minutes plus tard, Crooks a été vu en train d’utiliser un climatiseur extérieur pour escalader le toit avec le fusil de son père. À 18h10, de nombreux policiers et passants se trouvaient autour du bâtiment et pointaient Crooks du doigt. Sur plusieurs vidéos, on entend des personnes crier «Il a une arme!».

À ce moment-là, deux policiers ont tenté d’escalader le toit, l’un d’eux se servant de l’autre comme d’une échelle pour se hisser. Quand le policier tenta de monter sur le toit, Crooks le remarqua et pointa son arme sur lui. Le policier recula et tomba au sol.

À 18h11, Crooks a commencé à tirer sur Trump, faisant feu jusqu’à huit fois, touchant Trump une fois à l’oreille avant d’être abattu par une équipe de contre-snipers du Service Secret.

(Article paru en anglais le 22 juillet 2024)

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