Les tribunaux français interdisent à la politicienne néofasciste Marine Le Pen de se présenter à l'élection présidentielle de 2027

Lundi, les tribunaux français ont reconnu coupable Marine Le Pen, dirigeante du Rassemblement National (RN) et deux dizaines d'autres membres importants du RN de détournement de fonds du Parlement européen. Ils ont prononcé des peines inhabituellement lourdes, notamment une peine de prison de quatre ans, partiellement avec sursis, et une interdiction de se présenter à des élections, de cinq ans pour Le Pen. Candidate de premier plan aux élections présidentielles de 2027, Le Pen s'est engagée à faire appel de l'interdiction électorale, qui prend effet immédiatement, et des peines de prison.

Bien que le RN soit un parti tout à fait réactionnaire, descendant de la collaboration française avec le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale, cette décision est banqueroutière et ne mérite aucun soutien. Les travailleurs ne peuvent pas arrêter le fascisme, le militarisme et l'état policier en soutenant les interdictions imposées par les tribunaux. L'extrême droite ne peut être combattue que politiquement par la mobilisation de la classe ouvrière dans la lutte.

Une expérience historique amère – surtout avec les mesures prises par l'État allemand contre le parti nazi avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933 – montre que les interdictions de l'État capitaliste contre l'extrême droite préparent le terrain à des attaques étatiques encore plus draconiennes contre la gauche et la classe ouvrière.

En cherchant à décider du sort du RN par dessus la tête des travailleurs, les tribunaux le renforcent. Ils ne démasquent pas les néo-fascistes comme des ennemis de la classe ouvrière qui soutiennent la guerre impérialiste et la répression policière. Au contraire, ils permettent au RN de prendre une posture de victime lésée, frappée d’une punition anormalement sévère par la machine d'État, et qui veut à présent défendre ses électeurs contre un régime supervisé par le président français Emmanuel Macron, profondément impopulaire.

Il ne fait guère de doute que, d'un point de vue juridique, le RN est coupable des accusations portées contre lui. Alors que l'UE a des exigences strictes en vertu desquelles les assistants parlementaires ne travaillent que sur les questions parlementaires et non pour leur parti, Le Pen a tenté d'utiliser les salaires des assistants parlementaires pour aider à rembourser les dettes du RN, alors largement coupé du financement bancaire. Quelque 2,9 millions d'euros de fonds européens auraient été impliqués. Des responsables du RN ont averti Le Pen dans les années 2010 que cela l'exposait à des poursuites.

En 2014, le trésorier du RN, Wallerand de Saint-Just, a envoyé un courriel à Marine Le Pen, déclarant: «nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen». Le membre d'extrême droite du Parlement européen Jean-Luc Schaffhauser lui avait écrit disant: «Ce que Marine nous demande de faire équivaut à signer pour des emplois fictifs… Je comprends les raisons de Marine, mais on va se faire allumer».

Il existe toutefois un contraste frappant entre les peines sévères infligées au RN par rapport à d'autres partis reconnus coupables d'avoir organisé des «emplois fictifs» similaires. En effet, le Parti socialiste (PS) bourgeois et le Mouvement démocrate (MoDem) de l'actuel Premier ministre François Bayrou ont tous deux été reconnus coupables au cours des trois dernières années de telles accusations. Alors que les responsables du PS et du MoDem s'en sont tirés avec au plus des peines de prison avec sursis, le RN est ciblé pour une décapitation.

Le Pen a été condamnée à un minimum de 2 ans d'assignation à résidence avec bracelet électronique, plus deux ans de prison avec sursis, ainsi qu'à une interdiction électorale de cinq ans. Le vice-président du RN, Louis Aliot, à trois ans d'interdiction électorale et six mois d'assignation à résidence avec bracelet électronique, plus une année de prison avec sursis. L’ancien chef adjoint du RN, Bruno Gollnisch, à trois ans de prison, dont deux ans d'assignation à résidence. Curieusement, alors que le comptable du RN, Christrophe Moreau, a été acquitté, l’ex-garde du corps de Le Pen, Thierry Légier, a reçu une peine de prison d'un an avec sursis.

Il est significatif que bien que la présidence française ait sans aucun doute été consultée sur la décision, le gouvernement ne l'ait pas défendue publiquement. Bayrou, qui a déclaré l'année dernière, après que son parti eut échappé à son scandale d'emplois fictifs, que les accusations portées contre le RN étaient «injustes», a déclaré lundi qu'il était «troublé par ce qui avait été lu dans la décision» contre Le Pen.

Lundi soir, Le Pen est apparue dans une interview télévisée de grande écoute sur TF1 et s'est engagée à lutter contre l'interdiction. «Je suis éliminée [des élections de 2027], mais c'est la voix de millions de Français qui est éliminée aujourd'hui», a-t-elle déclaré. Elle a rejeté les accusations portées contre elle comme un «désaccord administratif avec le Parlement européen. Il n'y a pas eu d'enrichissement personnel en jeu.» Notant que les tribunaux pourraient retarder de deux ans avant de traiter son appel, elle a averti que les électeurs du RN ne considéreraient pas comme légitime un président élu en 2027 dans une élection dont elle aurait été exclue.

Le RN menace d'organiser des manifestations contre l'interdiction. Hier, le président du RN, Jordan Bardella, a déclaré que «la démocratie française a été exécutée» et, appelant à une «mobilisation populaire et pacifiste», s'est engagé à ce que lui et d'autres responsables du RN se rendent dans toute la France pour parler aux électeurs en colère du RN.

Les responsables du PS et des Verts saluent l'inéligibilité de Le Pen, le député du PS Jérôme Guedj affirmant qu'elle défend le principe selon lequel les élus doivent avoir un «comportement exemplaire». Cette phraséologie n'arrêtera pas l'extrême droite.

Le RN a progressé depuis 2012 en raison de la dynamique de classe réactionnaire des gouvernements du président PS François Hollande, et de son successeur Macron. Attaquant la classe ouvrière pour financer la guerre et les renflouements bancaires, ils se sont appuyés de plus en plus étroitement sur la police et les forces de sécurité pour réprimer les grèves et les manifestations, et sur la promotion de politiques d'extrême droite populaires parmi les forces de sécurité. Après que Hollande eut ressuscité la législation de l'époque de la guerre d'Algérie pour imposer un état d'urgence de deux ans suspendant les droits démocratiques et interdisant les manifestations, Macron a salué le dictateur et collaborateur nazi Philippe Pétain alors qu'il envoyait la police anti-émeute attaquer les manifestations des «Gilets jaunes» contre l'inégalité sociale.

La crise de la démocratie française a atteint une intensité sans précédent lors du deuxième mandat de Macron. En 2023, il a imposé une réduction des retraites à laquelle s'opposent aujourd'hui 91 pour cent des Français afin de financer une augmentation de 100 milliards d'euros des dépenses militaires. Il fait maintenant pression pour une intervention militaire française en Ukraine qui menace de déclencher une guerre totale avec la Russie, et qui est rejetée par une vaste majorité de la population française.

Les peines sévères infligées au RN ne reflètent pas une opposition au néo-fascisme dans la machine d'État capitaliste, mais des conflits acerbes au sein de la classe dirigeante sur l'orientation géopolitique dans un contexte de tensions croissantes entre l'impérialisme américain et européen au sujet des tarifs douaniers de Trump et de la guerre en Ukraine. Alors que Macron travaille avec l'Allemagne pour dépenser 800 milliards d'euros pour la machine de guerre de l'UE, Le Pen a déjà appelé à des relations plus étroites avec l'armée américaine.

Ces conflits interimpérialistes éclatent au grand jour après la décision de justice concernant Le Pen. Trump a qualifié cela de «grosse affaire», tandis que son allié, le milliardaire Elon Musk, a dénoncé la décision comme un «abus du système judiciaire». La Première ministre italienne d'extrême droite, Georgia Meloni, et l'ancien Premier ministre brésilien, Jair Bolsonaro, ont publié des déclarations défendant Le Pen.

Il existe une opposition profonde et ancrée dans l'histoire de la classe ouvrière au fascisme et à la guerre, mais mobiliser cette opposition nécessite de s'opposer de manière irréconciliable aux factions pro-UE et pro-Trump de la classe capitaliste.

Le dirigeant de la France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a tenté de s'adapter à la méfiance populaire à l'égard de l’ineligibilité de Le Pen, en disant: «La décision de destituer un élu devrait venir du peuple.» Mais Mélenchon ne s'est pas battu pour que la classe ouvrière fasse tomber les responsables ou les gouvernements antidémocratiques. Soutenant tacitement la liquidation par les bureaucraties syndicales des grèves contre la coupe des retraites par Macron, et approuvant les candidats de Macron aux élections de l'an dernier malgré la guerre OTAN-Russie en Ukraine, il a bloqué une lutte de la classe ouvrière contre le fascisme et la guerre.

Des batailles de classe explosives sont à l'ordre du jour en France et dans toute l'Europe, alors que les gouvernements coupent les dépenses sociales pour financer le réarmement de l'UE. Le Pen ne peut être combattue par les tribunaux. Elle ne peut l’être que par la lutte des classes, en libérant les luttes de l'emprise paralysante des bureaucraties syndicales et des soutiens politiques de Macron ; en reliant ces luttes à la résistance croissante au fascisme et à la guerre de la part des travailleurs et des jeunes à l'international.