Suite à l’adoption de lois draconiennes Milei lance une vaste attaque contre les travailleurs argentins

Le gouvernement du président fasciste argentin Javier Milei a entrepris une vaste offensive contre la classe ouvrière suite à l'approbation par le Congrès, la semaine dernière, de sa ‘Loi Bases’ (Ley de Bases). Ce vaste ensemble de contre-réformes décime les droits sociaux, y compris la sécurité de l'emploi, tout en renforçant les intérêts du capital argentin et international.

Javier Milei, 12 février 2024 [Photo by Quirinale / CC BY-SA 4.0]

Le vote de 136 contre 116 à la Chambre des députés vendredi dernier, qui a fait adopter le nouveau train de mesures, fait suite à six mois de débats parlementaires marqués par les menaces et les extorsions, ainsi que par une série de manifestations de masse qui ont fait l’objet d’une répression policière sans précédent. Parmi les mesures prévues figure la suppression des restrictions imposées par l’État aux licenciements, aux hausses de prix et à la criminalité d’entreprise.

Le gouvernement Milei ouvre la voie à ce qui est en train de devenir un massacre de l’emploi. L’Association des travailleurs de l’État (ATE), le plus grand syndicat argentin de fonctionnaires, a enregistré au moins 2.300 licenciements par le régime de Milei depuis juin, et ce à travers la fermeture ou la fusion d’agences gouvernementales tout entières.

Alors que les syndicats n’ont pris aucune mesure sérieuse pour défendre les emplois et les droits fondamentaux, les travailleurs descendus dans la rue pour protester contre les licenciements se sont heurtés a une violence policière flagrante. Les travailleurs de l’Institut national de technologie industrielle (INTI) ont été attaqués par des policiers anti-émeute casqués, utilisant des boucliers, des matraques et des gaz lacrymogènes mardi dernier, lorsqu’ils sont descendus dans la rue pour protester contre le licenciement de 288 de leurs collègues.

Alors même qu’il est confronté à une opposition populaire croissante de larges masses de travailleurs en Argentine, Milei poursuit son tour du monde et se voit accueilli en héros par la droite et des auditoires de banquiers et de chefs de trusts à l’international.

La semaine dernière, lors de discours prononcés en Allemagne et en République tchèque, Milei, qui se décrit comme un anarcho-capitaliste et un adepte de l’École économique autrichienne anti-marxiste, a déclaré son intention de suivre les traces du président Carlos Menem. Celui-ci a gouverné l’Argentine entre 1989 et 1999 et imposé des mesures d’austérité et des privatisations d’industries ayant été nationalisées sous les gouvernements précédents, comme les chemins de fer, les téléphones et la compagnie pétrolière nationale YPF.

Milei a assuré à ses auditoires que la solution consistait à réduire la dette publique et les réglementations (Libertad carajo!), annonçant que son «plan tronçonneuse» (Plan Motosierra) allait bien au-delà de l’approche de libre marché de Menem. Alors que Menem avait imposé 20 mesures de libéralisation, la Ley de Bases de Milei en compte plus de 200. Le Décret de nécessité et d’urgence (DNU) déjà en vigueur, en ajoute des dizaines d’autres.

Pour Milei, le principal ennemi du capitalisme argentin est la classe ouvrière, qu’il cherche à isoler et à contrôler, à diviser et à vaincre, en s’appuyant non seulement sur le capital financier et industriel, l’oligarchie agraire et l’armée, mais aussi sur la complicité des bureaucraties syndicales et des partis nationalistes de la pseudo-gauche petite-bourgeoise. Sa dernière affirmation, selon laquelle «les socialistes», c’est-à-dire les masses laborieuses, tentent de renverser son gouvernement parce qu’ils savent que ses mesures fonctionnent, est conforme à cette idéologie qui, sous une forme ou une autre, terrorise les travailleurs argentins depuis 1972.

La Loi Bases et le DNU visent à subordonner l’État et la société argentine au marché, au profit des ploutocraties de l’agriculture, de l’énergie et des fonds vautours qui profitent de la crise de la dette argentine. Les entreprises nationalisées doivent être privatisées. Le contrôle des prix et des loyers doit être démantelé, de même que les mesures permettant au gouvernement de «s’ingérer dans les décisions des entreprises argentines». Cela vise entre autre les réglementations visant à prévenir la pénurie de biens essentiels et les garanties que les supermarchés proposeront un pourcentage minimum de produits fabriqués par des petites entreprises.

Déjà, dû à la politique de Milei, les conditions de pauvreté et d’insécurité s’aggravent chaque semaine pour les travailleurs argentins. La proportion de la population vivant dans la pauvreté dépasse déjà celle au plus fort de la dépression de 1998 (42 pour cent). Plus de 60 pour cent de la population vit dans la pauvreté, sans le moyen d’acheter de la nourriture, des vêtements ou des médicaments, ou de payer les transports – 27 millions sur une population de 45 millions d’habitants. Les jeunes travailleurs sont poussés dehors – contraints d’émigrer en raison de l’extrême pauvreté et du manque d’emplois décents.

En Argentine, le nombre de travailleurs temporaires et occasionnels percevant des salaires de misère dépasse aujourd’hui les 5 millions, sur une population active totale de 21 millions. Moins de 40 pour cent des travailleurs sont syndiqués.

À tous points de vue, les inégalités socio-économiques ont explosé au cours des six derniers mois. Les salaires ne suivent pas l’inflation – selon l’Université Catholique Nationale (UCA), par rapport à 2023, le «panier de la ménagère» mensuel en janvier était de 596 000 pesos (700 dollars ou 651 euros), soit l’équivalent de 3,8 salaires minimums mensuels. Dans ces conditions, les ménages ont du mal à atteindre la fin du mois et sont contraints de quitter leur logement. Ils sont privés de nourriture, d’eau potable, d’égouts et de logements adéquats, en particulier dans les provinces du nord-ouest du pays. Les «Villas Miserias», des bidonvilles destinés aux sans-abri, se multiplient à Buenos Aires et dans d’autres zones urbaines.

Le quotidien madrilène El País a comparé les prix du lait et du pain dans les supermarchés argentins à ceux des supermarchés espagnols et les a trouvés équivalents. En revanche, les salaires sont en moyenne huit fois plus élevés à Madrid qu’en Argentine, soit 1.220 contre 155 dollars américains. Des scènes autrefois pratiquement inconnues à Buenos Aires – des personnes, y compris des enfants, plongeant dans les poubelles à la recherche de nourriture à vendre ou à consommer – sont désormais courantes. On voit de plus en plus de gens frapper aux portes pour mendier argent et nourriture.

La quête de «liberté» économique de Milei, c’est-à-dire ses promesses de démanteler l’intervention de l’État dans l’économie de marché – il se décrit lui-même comme une taupe, creusant sous l’État pour le subvertir et l’affaiblir – est soutenue avec enthousiasme par le Fonds monétaire international (FMI). Ses méthodes fascistes sont applaudies.

Dans un communiqué de presse publié à Washington le 13 juin 2024 révisant pour la huitième fois l’«accord élargi de crédit pour l’Argentine», le conseil d’administration du FMI a déclaré que le programme d’austérité brutal de l’Argentine était «fermement sur la bonne voie, tous les critères de performance quantitatifs pour la fin mars 2024 ont été respectés avec des marges». Il a également annoncé l’approbation d’un versement de 800 millions de dollars au gouvernement argentin, «portant le total des décaissements au titre de l’accord (qui fait référence à l’“accord élargi” de 44 milliards de dollars sur 30 mois à partir de mars 2022) à 41,4 milliards de dollars». Faisant l’éloge de la Loi Bases et de la DNU, le document conclut:

Des progrès impressionnants ont été réalisés pour atteindre l’équilibre budgétaire global et la priorité devrait maintenant être accordée à l’amélioration de la qualité de l’ajustement. Les efforts doivent se poursuivre pour réformer l’impôt sur le revenu des personnes physiques, rationaliser les subventions et les dépenses fiscales et renforcer le contrôle des dépenses. Au-delà de cette année, il sera crucial d’approfondir les réformes des systèmes d’imposition, de retraite et de partage des recettes, notamment pour éliminer les distorsions fiscales.

Les politiques monétaires et de change doivent évoluer pour continuer à consolider le processus de désinflation et améliorer la couverture des réserves. Pour soutenir la transition vers un nouveau régime monétaire, où la stabilité des prix et la stabilité financière restent les principaux objectifs de la banque centrale et où les individus sont libres d’utiliser les devises de leur choix, le taux directeur réel devrait devenir positif pour soutenir la demande de peso et la désinflation. La politique de change devrait également devenir plus flexible pour refléter les fondamentaux et préserver la désinflation ainsi que l’accumulation de réserves, en particulier lorsque les mesures de gestion des flux de capitaux sont progressivement assouplies si les conditions le permettent. D’autres mesures sont également nécessaires pour définir les principaux fondements du nouveau régime monétaire ainsi que pour élaborer et commencer à mettre en œuvre le cadre d’un assouplissement des contrôles des changes et des mesures de gestion des flux de capitaux en fonction des conditions.

Une plus grande attention portée aux réformes au niveau microéconomique contribuera à soutenir la reprise et à stimuler la croissance potentielle. Les réformes proposées visant à améliorer la compétitivité, à accroître la flexibilité du marché du travail et à améliorer la prévisibilité du cadre réglementaire pour l'investissement sont des pas dans la bonne direction, et leur approbation et leur mise en œuvre minutieuse devraient être une priorité. Elles devraient être complétées par des réformes d’amélioration de la transparence et de la gouvernance, dont le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Les risques, bien que modérés, restent élevés, ce qui exige une politique souple. La planification d’urgence restera cruciale et les politiques devront continuer à s’adapter à l’évolution des résultats afin de préserver la stabilité et de garantir que tous les objectifs du programme continuent à être atteints.

Les attaques de Milei font porter à la classe ouvrière le poids de toute une époque de fuite massive de capitaux par la bourgeoisie et les spéculateurs de Wall Street, qui a pris forme dans les années 1980 et 1990 lorsque l’Amérique latine tout entière a été saisie par la crise de la dette et a traversé ce qu’on a appelé la «décennie perdue».

Comme le montrent les événements récents au Sri Lanka et au Kenya, le recours à des mesures brutales et fascistes contre la classe ouvrière ne se limite pas à Javier Milei et à l’Argentine. Confrontées à une nouvelle crise mondiale de la dette, les classes dirigeantes voient dans la classe ouvrière leur plus grand ennemi et préparent les mesures politiques et économiques pour l’attaquer sur tous les continents.

Les travailleurs ne peuvent vaincre la menace du fascisme qu’en unissant leurs luttes au-delà des frontières nationales et en se battant pour un programme de révolution socialiste mondiale. Il faut pour cela briser l’emprise de l’appareil syndical et des tendances de la pseudo-gauche de la classe moyenne et construire une nouvelle direction révolutionnaire, basée sur la continuité historique ininterrompue de la défense du trotskysme par le Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article paru en anglais le 2 juillet 2024)

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